«Où suis-je? Bordel, c’est quoi je fou ici pu*in ?! À l’aide!» J’étais perdu dans ce qui me semblait être le fond d’une forêt. Étendu dans une crevasse avec les mains, les jambes et le haut du corps recouvert de boue. En essayant de me relever, je sentais les feuilles mortes et sèches craquer entre mes mains moites de peur. C’était la nuit et je pouvais voir au travers des branches des arbres et  dans le ciel complètement dégager, une lune. Cette lune, elle n’avait rien de normal. Aujourd’hui, c’était la pleine lune. J’avais les yeux fixer sur cette masse ronde et phosphorescente, j’en avais presque oublié la peur viscérale qui me tenait depuis quelques minutes. Je ne me rappelais plus de grand-chose, mais en constatant le rocher derrière moi qui était recouvert de sang ainsi que ma tête qui faisait atrocement mal, je conclus que je m’étais cogné la tête. Pourquoi ? C’est alors que je vis sur le haut de la crevasse, deux énormes yeux complètement jaunes qui me fixaient avec une aire de chien enrager. Même du haut de son perchoir, je pouvais constater sa crinière sombre comme la cendre dans le vent, ses traits humanoïdes, ses dents aiguisées comme des lames affuter ainsi que ses griffes aussi longues que des épées. Sans perdre aucune seconde, je me mis à courir, courir aussi vite que mes jambes me le permettaient. Je voyais la bête descendre de son perchoir et je l’entendais pousser des hurlements macabres me signalant que peu importe la vitesse ou je pouvais courir, peu importe la cachette que je pouvais trouver, peu importe la tonalité des sons de panique que j’échapperais, elle me retrouverait et me dévorerait.

En courant, je voyais ma vie défiler devant moi, je me rappelais les bons comme les mauvais souvenirs. Le jour où ma mère m’avait fait entrer pour la première fois dans «la pièce interdite» comme elle aimait l’appeler pour m’interdire d’y entrer alors que j’étais tout jeune. C’était son bureau, son sanctuaire. Étant une artiste née, ma mère adorait peindre des toiles et sculpter dans le marbre et l’argile. Je n’avais que 7 ans lorsqu’elle m’autorisa d’entrer. Je regardais tout ce que ma mère avait fait avec tant d’intérêt. C’était plus qu’une passion pour elle et c’est à ce moment que je compris que ce que j’aimais moi aussi, c’est l’art! Bien que je fusse loin d’avoir tout le talent de ma mère, je commençai à peindre et tranquillement, mon goût pour l’activité se développa. Contrairement à ma mère, je me lançai dans la photographie quelques années plus tard. Je devais avoir 14 ans en réalité. C’est elle qui me donna mon premier appareil photo. Un vieux DC40 que ma grand-mère voulait envoyer aux ordures. J’avais tellement pris de clicher avec cet appareil qu’il avait rendu l’âme quelques années après. Je le voyais toujours sur mon manteau de cheminée, me rappelant les bons souvenirs que j’avais eus avec lui.
La bête était toujours à mes trousses, avec mes avant-bras, je tassais les branches pour éviter qu’elles me frappent le visage. Je courrais aussi vite qu’une gazelle sans jamais me retourner, je pouvais l’entendre au loin, toujours sur mes traces. Je n’avais pas envie d’arrêter un seul second pour lui permettre de prendre de l’avance. Je savais qu’il était proche de moi, le bruit de son souffle me sciait en deux, littéralement. Je savais que mes secondes étaient comptées, je pourrais revoir ma mère lorsque je serais là-haut. C’était la seule chose qui me venait à l’esprit, ma mère. Lorsque je la portais jusqu’à sa tombe. Elle était décédée lorsque la première neige tombait. J’étais revenu de l’école en larme parce qu’un gamin m’avait frappé. Lorsque j’ouvris la porte, je remarquai dans la cuisine qui se trouvait à l’autre bout de la maison, la longue couette blonde de ma mère qui se trouvait au sol. Je me dépêchai d’aller la trouver. Elle était par terre, inconsciente. Dans le temps de le dire, j’avais eu le temps d’appeler la police en panique. Je me trouvais à côté d’elle, je tenais sa tête dans mes mains et je la suppliais de me répondre. Lorsque les policiers arrivèrent, ils me chassèrent de la maison et je me retrouvai chez la voisine. J’étais dans la fenêtre à regarder de loin ce qui se passait lorsque je vis les ambulanciers transporter ma mère dans un énorme sac noir, complètement fermer. Je savais qu’elle était morte, je pleurais toutes les larmes de mon corps. Comment une chose aussi horrible pouvait arriver à moi! Un gamin de 16 ans sans histoire qui essayait tant bien que mal d’apporter du bien autour de lui!

La bête était qu’à quelques mètres de moi, je pouvais sentir ses lourdes pattes me frôler lorsqu’il essayait de m’atteindre. Au moment où je m’en attendais le moins, il me frappa dans le dos et je tombai directement au sol. La bête qui se trouvait à mes pieds poussa un énorme hurlement, un hurlement typique des loups ou plutôt des loups-garous! Je pouvais distinguer à nouveau son pelage soyeux et ses yeux exorbités si effrayants. J’étais là, à me regarder mourir quand je touchai mon appareil photo dans mes poches. Avec le flash, je pris une photo très nette de mon agresseur. Dans l’obscurité des plus totale de ce sombre bois, le rayon de lumière fut assez puissant pour déstabiliser mon adversaire qui ne pouvait plus rien voir. Je profitai de cette occasion pour m’échapper à nouveau. Je savais que si je pouvais survivre à cette attaque, je pourrais écrire un article qui me ferait gagner des millions sur une bête dans les bois. Car je suis bel et bien journaliste depuis que j’ai terminé l’école avec diplôme en poche.

J’étais toujours dans mon sprint depuis quelques minutes essayant d’échapper à nouveau à cette bête féroce. Je remarquai au loin l’entrée de la ville ainsi que la lumière – aux combien réconfortantes — des lampadaires qui éclairait la rue. Avec cette grande poussée d’adrénaline, je me rendis aussi tout sous ce couvert de luminosité. Je regardai derrière moi pour la première fois depuis ma course folle pour constater que j’avais échappé au fauve. J’étais exténué et sous le choc d’avoir survécu à cette attaque nocturne. Tranquillement, je me rendis chez moi ou je pris une bonne douche, convaincu que demain, j’écrirais l’histoire du siècle.