Don't piss me off

« Reagan ! J'en ai plus qu'assez de votre comportement insolent ! Dégagez de mon cours ! », me hurla le professeur de chimie, excédé par mon attitude sans gêne. Tout ça parce que je lui avais montré par A+B que son explication était complètement obsolète au vu des nouveaux résultats apportés par les travaux du célèbre Dr Burrigan. A quoi bon avoir une mémoire eidétique comme la mienne si c'est pour écouter un enseignant has-been débiter des conneries d'un autre temps ? C'est donc avec un petit sourire en coin que je me levais de ma table et passais la lanière de mon sac à dos par dessus mon épaule avant de me diriger vers la porte d'entrée. « Avec plaisir », ne pus-je m'empêcher de rajouter sans aucune gêne. « Chez Miss Blackburn sur le champ ! ».

Et merde ! Moi qui pensais pouvoir rentrer chez moi et me caler dans mon canapé.. Voilà que l'autre bigleux d'abruti m'envoyait chez la « psy du lycée ».. Je jure que si je n'avais pas promis sur la tombe de ma grand-mère de me reconstruire une vie tout ce qui a de plus banale, j'aurais déjà abandonné les études depuis bien longtemps. Je pouvais très bien m'en sortir tout seul. C'est la démarche lancinante et d'un air blasé que je me retrouvais à frapper à la porte du bureau de la médiatrice. Ce n'est pas comme si c'était la deuxième fois dans la semaine. A ce rythme là j'allais finir par prendre un abonnement, pour sa plus grande joie d'ailleurs. Ironie quand tu nous tiens. Après m'avoir dit d'entrer, je vins m'assoir sur la chaise mise à ma disposition tout en laissant tomber mon sac à même le sol. Détendu mais blasé d'être ici, j'avais conservé ce petit rictus narquois sur le bord de mes lèvres. « Non loin de moi l'idée de ne pas apprécier nos rdv mais le Professeur Zimmer a insisté pour que je vienne ici.. ». Je dois avouer que je pouvais être une véritable tête à claques quand je l'avais décidé, provoquant la plupart des gens avec un cynisme redoutable. Cependant la jeune femme blonde en face de moi en avait à revendre également. Ce n'est pas pour autant que j'allais me laisser faire. « Bon.. par quoi on commence cette fois-ci ? », rajoutais-je en me moquant ouvertement d'elle.

(c) AMIANTE

Don't piss me off

Peut-être qu'en dehors du lycée j'aurais pu apprécier la jeune femme. Elle semblait gentille, à l'écoute et sans parler de son ravissant minois. Hélas, elle était là pour me pourrir la vie et m'empêcher de rentrer chez moi. Du moins c'est ce que je pensais. M'affalant sur le dossier de ma chaise tout en pliant l'une de mes jambes sur l'autre, je venais légèrement accouder ma tête sur le rebord du haut de ma main, inspirant profondément comme pour tenter de me calmer. Ce n'était qu'un moment ennuyeux à passer, rien de plus. Et dans le pire des cas je m'en tirerai avec des heures de colles. Après tout ce n'est pas non plus comme si j'avais un abonnement dans ce domaine là. Je crois qu'à force j'avais dû effectuer presque toutes les tâches possibles et imaginables du lycée. Je connaissais ce bâtiment comme ma poche. Quoiqu'il en soit je devais pour l'instant prendre mon mal en patience et l'écouter. J'aurais pu être vraiment désagréable avec elle – cela changera peut-être au cours de la séance si elle pousse le bouchon trop loin – mais bizarrement je n'en avais pas envie, me contentant seulement de joutes verbales et d'un sarcasme à toute épreuve. Je ne sais pas pourquoi c'était différent avec elle. Miss Blackburn semblait.. comment dire.. différente. Mais en quoi ? Ça je n'aurais su le dire pour l'instant.

« Ne t'inquiètes pas Ismaël, je sais que tu te sens comme chez toi dans mon bureau. Bon je suppose que tu as encore eu un comportement déplacé en classe ? », me dit-elle avec son professionnalisme immuable. Elle avait du répondant c'est le moins que l'on puisse dire et c'était plaisant de ne pas se heurter directement à un mur comme avec la plupart des gens. J'esquissai un petit sourire malicieux pour la peine tout en levant les yeux au ciel. « Tout dépend de ce qu'on entend par "déplacé". Les enseignants de ce lycée ne sont pas foutus de mettre à jour leurs propres cours. Si ça ne gêne en rien les autres élèves, dont certains ne sont même pas capable de compter au delà de 10, soit, mais moi j'ai un problème avec ça.. », lui répondis-je alors sur un ton à la fois moqueur et sérieux. Rien que de repenser aux quelques minutes qui avaient précédé mon renvoi du cours de chimie, j'en étais exaspéré. Cependant, plus que les autres fois apparemment, j'étais prêt à en découdre. C'est comme si j'étais remonté à bloc. « La question ne change pas, elle est la même qu'en début de semaine. Pourquoi tu agis comme ça Ismaël ? », rajouta-t-elle afin de plonger au véritable cœur du problème. Mon Dieu.. mais qu'est-ce qu'elle voulait que je réponde à ça ? Franchement. J'avais vraiment l'impression d'être chez le psy. Et il était hors de question que je me fasse disséquer le cerveau de la sorte. « Parce que vous avez l'air climatisé. Sérieusement, il fait une de ses chaleurs dans les salles de classes ! ». Ismaël ou l'art de pousser les gens à bout. Je ne m'étais encore jamais pris de claques suite à l'une de mes remarques, ce n'était qu'une question de temps je pense ; bien qu'avec mes nouvelles capacités je la verrai venir bien avant qu'elle ne me touche la joue.

(c) AMIANTE