THEY WERE KIDS THAT I ONCE KNEWDans la vie, face à un drame on a deux choix : s’élever ou mourir.  J’ai toujours été fasciné par ces héros de guerres revenant au pays brisés qui tant bien que mal continuaient à vivre. A croire que peut importe les blessures qui striaient leur peau, à croire que même la peur qui leur tiraillait les entrailles en plein milieu de la nuit n’étaient rien face à la vie. Face à toutes les merveilleuses choses qu’elle nous offre, face à la joie, face au bonheur, face à tout le bon qui nous est réservé quelque part. Alors, on traverse des tempêtes, certaines rétines ne retrouveront plus jamais la force de transmettre des images, certains membres ne réapparaitront jamais, mais on est là. On est debout bien que blessé, on avance malgré la douleur lancinante. Parce que ça le vaut, parce qu’on est plus fort que ça, parce que la vie ne s’arrête pas.
En grandissant j’ai du ressortir les mêmes vieux mensonges à chaque déménagement. Je viens de Niobrara dans le Wyoming, mes parents sont des agents immobiliers qui comptent créer un nouveau quartier écolo dans le coin. Je suis devenu aveugle après un accident de voiture, plus tard je ne pense pas faire d’études poussées, je vais surement reprendre le business de mes parents ou bien ouvrir un magasin de disque. Des phrases que j’ai répété à travers le pays, même plus loin lorsque pour une courte durée on a chassé une bestiole monstrueuse dans le nord de l’Europe. Est-ce que cette vie m’a aigrie pour autant ? Je ne pense pas. Je m’y suis fait. Comme on doit se faire à tout si on ne veut pas ressasser les mêmes conneries. Après une nouvelle rentrée scolaire passée à déblatérer un ensemble de mensonge je me suis retrouvé comme toujours à devoir jongler avec mes deux vies. Celle du chasseur, celle du lycéen. Avec le temps, j’avais appris à contrôler l’adrénaline qui consumait mes veines alors qu’armes aux poings je chassais dans les bois. Mes sens étaient aiguisés à leur paroxysme, mon odorat ne me trahissait jamais, mon ouïe s’était tant développé qu’il m’arrivait de souffrir à cause de maux de tête d’une violence inouïe parce que je suis entouré de sons trop puissant et mon touché ne me trompait jamais. En un contact je pouvais faire la différence entre la peau tiède d’un humain, le contact rugueux d’une arme en bois où d’un pistolet recouvert de cuir, du métal froid d’une balle ou d’une flèche. Jours après jours j’avais appris à me transformer en machine de guerre palliant mon incapacité à voir par d’autres dons que la perte de ma vue m’avait offerte. M’arrêtant, je laissais ma mère me dépasser alors qu’à ma droite celui que je considérais comme un grand père plaçait un piège. Les lèvres résolument close j’attendis.Une chose, une bête s’approchait de nous à tout allure, mon ouïe, mon instinct, mes entrailles, ils me le disaient tous. Sans aucune hésitation, je me tournais dans la direction du bruit pointant le canon de mon flingue vers ce que j’imaginais être l’animal. Mon père m’avait appris à ne plus hésiter, même si je ne pouvais être sur à cent pourcent de la chose qui se dirigeait vers moi je me devais de tirer ou de me laisser tuer. Appuyant sur la gâchette sans hésité à de nombreuses reprises je suivais les bondissements de l’animal, tout du moins le bruit qu’il faisait. Agitant mon flingue dans diverses directions je tirais encore et encore jusqu’à ce qu’un glapissement m’appris que je n’avais pas raté mon tir. Conscient qu’il en faudrait plus pour tuer la bête, je sortais deux couteaux de poing alors que mes parents criaient à l’unisson et que des bruits de tirs leurs répondaient. Habitué à servir d’appât, j’arborais fièrement de nombreuses cicatrices obtenues au combat et il n’était pas rare de me voir revenir à la maison mes habits tachés de sang et déchirés. Sans hésitation, avec un calme olympien je me laissais tomber sous le choc de mon corps rencontrant celui de l’animal lancé à pleine vitesse. En un souffle je me retrouvais au sol, les deux couteaux plantés dans le dos de l’animal. La bête poussa un mugissement inhumain alors que roulant sur moi-même, je sortais de ma ceinture un glaive, plus court qu’une épée, plus grand qu’un couteau c’était une arme à part que je chérissais. Dans un souffle, j’abattais l’arme sur la carcasse de l’animal à plusieurs reprises. « Tu l’as achevé mon chéri, tu peux arrêter. » Souffla ma mère en récupérant mon arme. Je pouvais sentir le sang chaud de la bête couler sur mes joues, m’essuyant du rêver de ma main, je sentais toujours le sang partout autour de moi et ça me filait la nausée. A défaut de le voir, je le sentais, il habitait mes nuits noirs, il s’infiltrait dans ma chambre parfois lorsqu’ouvrant la porte de mon armoire je tombais sur un tas d’habits roulés en boule que je devais encore bruler. Je n’étais peut-être pas spectateur des massacres que je faisais, je ne voyais peut-être pas les morts, leur dernier regard posé sur le monde, mais je sentais la vie partir. Je les sentais s’éloigner d’une certaine manière, je sentais leur sang devenir froid et ça me tuait un peu parfois.

I DON'T KNOW WHERE YOU CAME FROM AND I DON'T KNOW WHERE YOU'VE GONEJ’en ai vu bien des choses. J’aime dire cela. Les gens me regardent perturbés et ne comprennent pas. Oui, j’ai vu plus de choses que la majorité d’entre vous. Peut-être pas au sens premier du terme mais j’ai croisé des loups-garou, j’ai sentis leurs canines à quelques centimètres de ma gorge et j’ai sentis leurs griffes transpercer ma chère. Pourtant, je suis toujours là. J’ai vu la mort à de maintes reprises et je suis là, encore et encore. J’ai peut-être les yeux fermés sur ce monde, aucune couleur ne traverse mes rétines, je ne vois pas les traits majestueux d’un paysage et je ne connais de la pluie que son odeur et son touché tendre sur mon visage. Je sais pourtant des choses, surement plus que la majorité d’entre vous. J’ai vu bien des choses, tellement depuis que j’ai les yeux clos à jamais.
Le souffle court, mes pieds se créaient un chemin à travers les branches et ronces qui jonchaient le sol. Je sentais mon cœur tenter de sortir de ma poitrine alors que mon souffle court me brulait à chaque nouvelle expiration. Je n’avais plus de pistolet, plus rien d’autre que l’épée courte reposant contre ma jambe. Courant, je traquais l’animal qui m’avait mis au tapis moi un kilomètre plus bas. Cet alpha était d’un sadisme sans borne. Il avait transformé des adolescents, des presque enfants qui ne savaient rien de la vie avant de s’en servir comme bouclier. Depuis que mes parents et moi étions arrivés en ville, les choses n’avaient cessées d’empirer. J’avais découvert des gens sympathiques qui ne posaient pas de questions, je m’étais même attaché à ces idiots. Sauf que je ne pouvais pas fermer les yeux sur ce qui se produisait, les disparitions, les gens blessés, même si l’alpha restait extrêmement discret sa présence se sentait partout. Continuant à courir, je tentais d’assembler le puzzle, pourquoi ? Je me trouvais idiot d’y penser pour la énième fois, ils étaient des monstres, ils ne pouvaient pas aller contre leur nature, contre le monstre assoiffé de sang vivant en eux. M’arrêtant, je pouvais sentir les rayons chaud d’un soleil couchant, le vent n’était plus coupé par les arbres, du moi pas directement en face de moi. De plus, la terre sous mes pieds était moins molle, plus sèche. Notant tous ces détails, j’avançais plus lentement alors qu’un grognement inhumain. C’est sans comprendre que je me suis rapproché de la source du bruit, mais surtout de l’odeur de sang qui était d’une force écœurante. J’avais la gorge noué, les larmes aux yeux sans trop savoir pour quoi. C’était quelque chose dans mes entrailles, quelque chose de coincé dans ma gorge. Un sentiment étrange, un mauvais présage, mon instinct me disait de faire attention, mais déjà j’étais un genou à terre devant une carcasse recouverte de sang. Posant mes doigts sur le tissu imbibé de sang, je pouvais sentir la personne encore fébrile qui se débattait. Dans mon dos mon père retint un juron avant de laisser une arme à mes pieds. Je ne pris pas la peine d’attraper le pistolet, continuant à frôler l’être humain réduit à un morceau de viande ensanglanté. C’est alors qu’une main s’agrippa fermement à mon bras. « Hal… Hal, j’ai mal. » Reconnaissant la voix sans mal, je posais mes mains sur les épaules de la jeune femme frôlant une de ses blessures. Je reconnus alors la source de mon malaise sentant la future cicatrice bariolée à cause des crocs ayant marqués la chair. Laissant ma main glisser le long de son bras je l’entendis gémir de douleur alors que je recensais trois autres morsures sur son bras droit et une sur son bras gauche. Elle devait aussi être mordue au ventre ainsi que griffée à plusieurs endroits, elle allait se transformer. C’était une certitude et je comprenais pourquoi mon père avait juré avant de me lancer une arme.
Les mains de Lacey s’agrippèrent plus fortement à moi alors que la jeune femme se blottissait dans mes bras avec le peu de force qu’il lui restait alors. « J’ai froid Hal…il … c’était pas humain… c’était… » Hochant la tête, je passais ma main avec douceur dans ses cheveux. C’était la première fille à laquelle je m’étais attaché, j’adorais son parfum. Je n’arrivais pas à me lasser de son parfum, celui-ci même que je cherchais tous les matins avant d’aller en cours. Je ne me lassais pas non plus du contact de ses cheveux que j’imaginais aussi doux et soyeux qu’ils pouvaient bien être sous mes doigts. Enfouissant mon nez dans le creux de l’épaule de la jeune femme, je pris une longue inspiration trouvant quelques réminiscences de sa fragrance à travers le malaise qui me sauta à la gorge à l’odeur de son sang. Naturellement, la jeune femme posa sa main sur l’arrière de mon crâne alors que ses lèvres effleuraient le lobe de mon oreille. « Pourquoi tu es triste Hal ?Souffla t’elle. Lacey ne savait pas, elle ne pouvait pas savoir. Mais mon cœur lui ne mentait pas et ce dernier se brisait en des battements tordus à l’idée de ce que j’avais à faire. « Je… j’ai déjà appelé une ambulance… ils vont arriver… ils vont me trouver… Ca va aller Halcyon, je te le promets. » Souffla mon amie alors qu’elle tentait de me réconforter, mais malgré moi je me mis à pleurer, gémissant comme un gamin pleurant pour sa maman. Je ne pouvais pas, je ne voulais pas. Les larmes s’écoulaient le long de mes joues sans que je ne puisse les arrêter et les doigts de Lacey glissant sur mon visage ne m’aidaient pas. Elle allait… je pouvais pas continuer. La serrant plus fortement contre moi je pris une longue inspiration avant d’arrêter de pleurer. Totalement déconnecté, je lâchais la jeune femme qui, trop faible pour se tenir, laissa son corps tomber mollement sur le sol. « Tu dois mourir. » Soufflais-je sans vie, sans aucune once de regret dans la voix. C’était un fait, je n’étais pas celui qui donnait la sentence, je n’étais que le bras armé d’instances supérieures à moi-même et je ne pouvais pas laisser Lacey devenir une de ces bêtes. « Ce n’est pas contre toi, mais tu vas devenir comme eux et si c’est le cas ça sera encore plus moche. Je t’épargne des souffrances inutiles mon amour, je t’épargne des souffrances inutiles. » Soufflais-je tout en sortant mon glaive de son fourreau. Le tendant vers la jeune femme, je l’entendis se débattre au sol, cherchant surement à reculer, à s’échapper de ce jugement à mort. « Hal… Arrêtes, Hal, c’est moi. » Pleurant et gémissant, la jeune femme se mit rapidement à supplier pour sa vie. « Je t’en supplies, je sais pas de quoi tu parles, mais je suis pas comme eux, je le serais jamais. Hal, tu me connais Hal je… je t’aime Hal tu peux pas faire ça, par pitié. » Le visage impassible, sans aucune hésitation je levais mon arme en l’air mes bras crispés à leur paroxysme pour ne pas rater mon coup. « Tu supplies déjà comme eux. » Soufflais-je tout en abattant la sentence, le glaive tranchant la peau de la jeune femme avec une aisance déroutante et vivifiante.
Je ne sais pas trop comment j’ai retrouvé mes parents, je me souviens juste d’avoir marché, encore et encore jusqu’à m’être retrouvé dans les bras de ma mère qui tentait de me consoler. Elle ne comprenait pas. Elle ne savait pas ce qui se passait sous ma tête, elle croyait que j’avais mal, elle croyait que je souffrais d’avoir fait ça. Sauf que je ne souffrais pas, je n’avais pas mal, c’était ce qu’il fallait faire tant pis. Tant pis si j’étais dingue de cette fille et que son rire allait rester accrocher à ma peau comme ses doigts agrippés à mes bras peu de temps avant que je n’abatte mon arme sur son corps frêle la coupant tel une poupée faite de chiffon qu’on déchirait. Ma mère ne savait pas ce qui se passait dans ma tête ni ce que je ressentais après l’avoir fait. J’étais pas triste, je n’avais pas honte, pas de regret il fallait le faire. Non, je devais le faire. Personne ne pouvait le faire à ma place, c’était mon némésis  et je le subissais sans broncher. « Je pars demain. » Soufflais je perdu dans les bras rassurant de ma mère. C’était décidé,  j’allais voler de mes propres ailes maintenant que même la peur de devoir tuer mes proches ne me nouait plus les entrailles.