24 avril 2004

Le délicieux parfum qui se dégageait des cuisines se propagea à travers la maison, signe qu'il était temps pour Robyn de se préparer. Lentement, très lentement même, la jeune femme quitta son bain et le confort que celui-ci lui offrait pour rejoindre sa commode. Elle en sortit une robe, sa préférée, qu'elle se hâta de vêtir puis, elle se coiffa le plus naturellement possible. Au loin, un hurlement, probablement celui-ci de sa mère, lui indiqua qu'il était temps de descendre pour le dinée. Comme à son habitude, Robyn laissa quelques minutes s'écouler afin de tester un peu plus la patience de ses parents. Ce fût donc tout-sourire que la jeune femme quitta sa chambre pour rejoindre la somptueuse salle à manger. Sans surprise, elle constata que son père n'était pas encore rentré de sa partie de golf, il semblait donc évident que la patience de sa mère n'était guère grande à cette heure-ci. Avec grace, Robyn s'installa autour de la table et attendit que sa mère engage la conversation, chose qu'elle ne fit malheureusement pas. Les plats furent servis les uns après les autres, toujours dans le plus grand des silences. Finalement, après un temps relativement long, Robyn osa prendre la parole, non sans y avoir auparavant réfléchi. « Vas-y, dis-le. » Ses paroles résonnèrent quelques instants dans la grande salle, mais laissèrent très vite place à un silence pesant. Avec une lenteur presque agaçante, sa mère releva enfin la tête de son assiette et dévisagea quelques instants sa fille. « Il est parti, Jewell. Je n'ai rien d'autre à te dire. » La jeune femme ferma les yeux, comme pour mieux comprendre l'impact qu'avaient ses mots dans sa vie. Après quelques secondes, elle osa enfin poser son regard sur sa mère, celle qui allait maintenant devoir l'élever seule. « C'est pas grave, maman. C'est pas grave, on arrivera à s'en sortir et puis de toute façon, il n'est pas parti avec tout. On est toujours ensemble nous, lui, il est tout seul. » Le long silence que lui offrit sa mère en guise de réponse la laissa de marbre. Le sourire qui s'affichait sur son visage s'effaça, sa bonne humeur s'envola. Brusquement, Robyn se leva de sa chaise et frappa des poings sur la table en acajou. « Comment est-ce que tu peux l'avoir laissé partir ? Tu es une idiote, maman ! Je te déteste, je te déteste ! On n'a plus rien maintenant, qu'est-ce que je vais devenir sans mes vêtements ? Elle ne laissa pas à sa mère le temps de répondre, préférant s'échapper de ce début de quotidien pauvre en tout. Elle rejoignit sa chambre, celle qu'elle allait bientôt devoir quitter, et s'allongea sur son lit. Des larmes qu'elle n'essuya pas coulèrent sur ses joues et sur sa robe préférée. D'un geste brusque, elle se leva et ôta ses chaussures. Avec une force insoupçonnée, elle arracha sa robe de son corps pâle, se griffant au passage. Toujours sans véritablement réagir, elle se laissa tomber au sol et martela le tissu de violents coups de poing. Quelques minutes s'écoulèrent quand enfin, elle décida de se lever. Toujours lentement, elle se dirigea vers le long miroir de sa salle de bain. Tremblant et griffé de tous les côtés, son corps lui parût répugnant. Elle se dégoûtait elle-même, n'osant même pas se quitter des yeux de peur de se transformer en un monstre écoeurant. Finalement, elle décida d'achever ses souffrances en détruisant d'un coup de poing son propre reflet. La main ensanglantée, elle se dirigea vers son armoire et en sortit une boîte qu'elle ouvrit. Toujours en tremblant, elle prit l'un des paquets qui s'y trouvaient, ses biscuits favoris, qu'elle mangea en quelques secondes. Quelques cheveux se colèrent à ses joues tant elles étaient mouillées, agacée, elle jeta la boîte à travers la pièce avant de se diriger en courant vers la salle de bain. Comme d'habitude, elle ferma sa porte à clé et patienta. Elle attendit encore et encore, jusqu'à ce que le dégoût de son propre corps la fît vomir. Et là, seulement là, elle se sentit étrangement vivante.