« Ondine » fit sa mère d'une voix calme et posée en dardant sur elle son regard perçant. La jeune fille se raidit en entendant son nom. Ondine. C'était affreux. Elle se demandait bien comment ses parents avaient osés la nommer ainsi alors que ses frères et sœurs s'en tiraient beaucoup mieux. « Maman ? » demanda t-elle. « Il est l'heure de t'entraîner un peu. » Un peu. Quelle douce atténuation. « Oui Maman, j'arrive. » Elle soupira, lâcha le livre qu'elle avait dans la main. Il fallait être en parfaite forme physique, et même plus, afin de pouvoir se défendre en cas de danger, contre d'autre loups, ou contre des chasseurs. Ondine avait dix ans, mais elle connaissait ses leçons par cœur. Les chasseurs n'auraient pas pitié d'elle, même si c'était une enfant, c'était ainsi.
Parfois, il lui arrivait d'être une étrangère lorsqu'elle voyait son père, Gage et Matt ensemble, eux pouvaient faire des choses normales, eux, étaient, normaux. Le fait qu'elle pratiquait la gymnastique depuis ses six ans ne suffisaient pas à sa mère, elle voulait plus, toujours plus, c'était normal, elle était l'Alpha, parfois même avant d'être la mère, et Ondine n'avait pas d'autre choix que de lui obéir. Ondine la comprenait parfois, il fallait aussi qu'elle connaisse les faiblesses des loups, afin d'éviter de se faire prendre au piège. Mais la plupart du temps, elle avait l'impression d'être prisonnière et elle ne pouvait s'échapper.


Ondine aimait sa famille, toute sa famille, à l'exception de son oncle Demis. Elle ne le détestait pas, non, il était de sa famille, et elle le savait, simplement, elle ne ressentait rien de particulier à son égard. A vrai dire, son instinct lui soufflait de l'éviter, ce qu'elle fit sans trop de mal pendant des années, et puis même lorsqu'il était là, elle restait toujours dans son coin, toujours seule. Sa mère n'aimait pas la voir aussi seule, sans doute aimait-elle trop le concept de meute, d'être ensemble. Ondine, elle aimait son indépendance, le peu qu'elle avait du moins. Au collège aussi, elle était seule, elle n'avait pas d'amis, elle ne traînait pas avec Gage, ni avec Killian, ç'aurait été humiliant pour elle. C'était une bonne élève sauf dans les matières scientifiques et pourtant elle réussissait à avoir la moyenne chaque année. Seul son père manifestait de l'intérêt pour la scolarité de ses enfants, pour sa mère, du moment qu'elle avait la moyenne ou que ses professeurs l'aimaient bien, elle s'en fichait, c'était l'Alpha, elle avait d'autre chose à faire. Alors Ondine se taisait, et attendait que les choses se passent.
Et à treize ans, la fin des Cavanaugh sonna. Ondine avait une qualité selon elle, elle écoutait. Et elle savait que son frère Nadan était amoureux d'une fille, une humaine, Everleigh. Elle le savait parce que cela ne plaisait pas à sa mère, chaque soir, elle en parlait, ou observait son fils de longues minutes, une idée derrière la tête. Ce fut à ce moment-là aussi que son oncle Demis s'insinua un peu plus dans leur vie de famille, alors qu'il les avait soigneusement évité, même s'il s'était installé dans la maison d'en face, comme pour les narguer. Sa maison, Ondine la voyait de la fenêtre de sa chambre et elle s'y postait à chaque fois qu'elle s'ennuyait, l'observant. Parfois il lui arrivait d'admirer son oncle parce qu'il tenait tête à sa mère, l'Alpha. Ondine ne voyait pas pourquoi sa mère s'opposait à Everleigh, après tout, n'avait-elle pas épousé un humain elle aussi ? Et puis, peut-être était-ce une simple romance qui allait se terminer aussi vite qu'elle avait commencé ?
Et les semaines s'écoulèrent. Jusqu'au jour où Ondine croisa Everleigh sur le chemin du retour. Elle rentrait chez elle. Ondine ne put s'empêcher de ressentir une sensation étrange, des picotements dans la nuque. Arrivée chez elle, elle ne put s'empêcher d'en parler à sa mère.
Le soir, la famille et la meute se réunirent. Le lendemain, Nadan disparaissait.


Ondine se souviendrait toute sa vie du jour où son père fit ses valises et partit s'installer à l'autre bout de Storms Hills. Elle se souvint l'avoir supplier de l'emmener avec elle, de ne pas la laisser avec leur mère, car elle savait que, Nadan partit, tout allait lui tomber dessus, car en âge, elle venait après. Mais il la laissa. Et peu de temps après, sa mère déclara que son entraînement s'intensifierait, qu'elle devait être encore meilleure qu'avant car désormais, elle aurait à être l'Alpha. Alpha. Ondine s'y refusait, elle n'était pas ambitieuse, elle n'était pas aussi insensible que sa mère, elle était naïve, malléable. Et Killian contesta la décision de sa mère. Il voulait être l'Alpha. Ondine était d'accord avec cela, totalement d'accord, mais rien n'y fit. Son entraînement continua et la jeune fille décida finalement d'arrêter ses études, ou plutôt, de les continuer chez elle. Elle se coupa du monde.
Et puis ce fut au tour de Matt, et Gage de partir rejoindre leur père. Ondine se rendait parfois chez lui, lorsqu'elle s'ennuyait, ou pendant les vacances lorsqu'elle le pouvait, mais elle se sentait comme une étrangère lorsqu'elle entrait dans la maison. Son père l'accueillait à bras ouvert, elle avait même une chambre là-bas, au cas-où elle aurait souhaité y rester dormir. Mais elle ne voulait pas. Même si elle était solitaire, elle avait peur de ne pas être entourée des siens, de ne pas être protégée.

Et puis un jour, les cauchemars d'Ondine devinrent réalité lorsque sa mère laissa la bête prendre le dessus, et tua, un soir de pleines lunes, des humains. Les représailles ne tarderaient pas à arriver. Et elles arrivèrent en les personnes des chasseurs qui réussirent à capturer leur mère. Ce fut l'une des rares fois dans sa vie où Ondine fut vraiment terrifiée, mais elle était déterminée à la sauver, et elle puisait son énergie au plus profond d'elle-même jusqu'à en oublier sa peur, parce qu'elle devait sauver sa mère de ces chasseurs. Avec son oncle et son petit frère, c'est ce qu'ils firent, ou du moins, ils essayèrent. La récupérer, à vrai dire, fut assez aisé, car les chasseurs avaient eu ce qu'ils voulaient. Ils ne l'avaient pas tuée, non, pas encore, ils avaient fait pire encore, ils avaient brisés son corps, et surtout, son âme. Et pour la première fois de sa vie, Ondine ressentit une haine terrible contre ceux qui avait tué sa mère -car si son cœur battait encore, son esprit était... absent-.
Seule, sans mère, avec Killian pour compagnie, elle aurait du aller chez son père, mais elle ne le fit pas, se contentant quelques temps de la présence de Demis.
Killian. La seule raison qui lui restait de continuer à avancer. Alors Ondine reprit ses études avec acharnement, mais toujours à domicile car il lui fallait s'occuper de la maison, elle obtint son diplôme, fut admise dans l'université la plus proche, et suivit encore une fois des cours par correspondance, enchaînant des petits jobs afin de ramener un peu d'argent. Une seule chose était certaine dans sa vie, jamais elle n'oublierai, et jamais elle ne pardonnerai aisément tout ceux qui l'avait blessée, abandonnée, elle, ou les siens.